Aller directement au contenu

Elle fait partie des premiers visiteurs à fouler les quais de l’Armada, pour profiter de la lumière naissante se reflétant sur les coques des voiliers. Catherine Gallien est peintre et l’Armada son espace de création.

Lestée de ses valises et de ses trousses de pinceaux, Catherine Gallien considère les cohortes de touristes, de scolaires et de couples à poussettes. Dans huit minutes, il sera midi et la foule gorgée de soleil est dense sur les quais de Rouen. Pourtant, jamais elle n’aurait imaginé finir son tableau aussi tard. Elle s’était astreinte à une arrivée matinale afin de se poster confortablement face à la proue de L’Etoile du Roy. Avec ses 46 mètres de long et ses trois imposants mâts, cette réplique en bois d’une frégate corsaire malouine de 1745 est un modèle de choix pour la peintre amatrice. « Le soleil s’est levé dans mon dos et sa lumière s’est épanouie peu à peu. J’ai eu de très beaux reflets de l’eau sur la coque. En plus, il y a des dorures sur le bateau. Même s’il représente une belle masse noire, il y a de quoi faire avec du jaune, du gris ou du bleu ». Ces lentes chorégraphies de couleurs, Catherine les affectionne pour une raison précise. « Les paysages, ce n’est pas mon truc. Tout y est trop statique. Ici, l’eau bouge, c’est du mouvement perpétuel, et puis il y a tellement de vie sur les bateaux et autour d’eux. »

Avant de s’emparer des pinceaux, la peintre a un rituel : construire mentalement la composition et envisager la meilleure harmonie visuelle entre les formes et les perspectives. « C’est la première étape et c’est très important pour moi. Ça conditionne mon positionnement et celui de mon chevalet. Certains trichent avec la réalité et vont jusqu’à mettre la cathédrale dans le décor. Mais cela ne les empêche pas de faire de très belles peintures quand même ! » Si cette méticulosité est évidente pour Catherine, elle ne doit pas masquer un goût pour l’improvisation et le ressenti du moment, surtout quand le public s’invite avec plus ou moins de tact dans son processus créatif. « Les gens viennent nous voir, nous parlent et prennent des photos mais c’est le jeu. Bien sûr, il faut une concentration importante pour peindre un de ces majestueux navires mais ces interruptions, je les apprécie aussi. Il faut qu’il y ait un peu de chaos autour de moi, sinon, je n’ai qu’à prendre une photo ou peindre dans mon studio, tranquillement et studieusement ! » Jusqu’à la fin de l’Armada, l’artiste havraise de cœur viendra chaque matin capturer les contrastes et diluer les nuances des premières heures du jour. Pour la dernière séance, elle n’opérera ni sur toile ni en usant de peinture à l’huile. Elle optera pour le dessin et les croquis. De quoi multiplier rapidement les scènes différentes et rester dans l’esprit du mouvement perpétuel.