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C’est dans une maison du quartier Jouvenet à Rouen qu’Aurélie, Christophe et Apolline habitent. L’espace d’un repas chez eux, cette famille a accueilli quatre marins de deux pays : le Portugal avec le navire Vera Cruz et le Mexique, avec le fameux Cuauhtémoc.

Le défilé s’est terminé il y a une poignée de minutes sous les vivats de la foule rouennaise amassée près de la mairie. Il flotte dans l’air comme un parfum de carnaval sud-américain. Les 28 degrés de l’après-midi, la débauche de couleurs et de musiques, le tintamarre joyeux des délégations avançant en cadence dans la ville et les sourires admiratifs face à la beauté des uniformes l’expliquent. Et c’est dans les jardins de l’hôtel de ville, qu’Aurélie, Apolline et Gustavo (à gauche sur la photo) débriefent le défilé dans un espagnol solide.

Professeur de musique dans un collège de la Seine-Maritime, Aurélie revient sur l’idée qui l’a traversé il y a quelques jours : accueillir le temps d’un dîner chez elle un ou des marins, « afin de partager un moment convivial en famille et échanger. Nous avons alors contacté l’organisation et cela s’est fait très vite. Deux marins portugais et deux marins mexicains étaient volontaires. Nous sommes donc allés les chercher ». Survient alors la question de la réception et de ce qui sera sur la table. « Je ne suis pas vraiment un cordon bleu alors on a décidé avec mon mari, Christophe, de faire simple : une escalope avec des champignons à la crème suivie d’une tarte tatin. » Mais à leur grande surprise, Gustavo et David, les matelots du Cuauhtémoc, manifestent leur intérêt pour une autre spécialité française. « Ils nous ont demandé si on connaissait un restaurant qui servait de la ratatouille ! On leur a dit que c’était plutôt originaire du sud de la France, mais ils semblaient vraiment vouloir la goûter. Heureusement, il nous restait une conserve dans nos placards ! On les a prévenus que ce ne serait pas la même saveur, mais ils étaient heureux. Et comme nous le pensions, c’était bien en raison du célèbre dessin animé de Pixar. Et puis comme ils voulaient connaître d’autres plats typiques, nous avons proposé une baguette avec du pâté de campagne. »

Aurélie avait déjà eu une expérience similaire il y a quelques années, à l’initiative de ses parents. Alors adolescente, elle se souvient d’un repas avec des marins polonais. « C’était pendant une des premières Armadas. Je me souviens avoir joué du piano devant eux, mon instrument de prédilection. On avait beaucoup partagé : visite de château, fête de famille. Mon grand-père communiquait avec eux en faisant des dessins, et ils trinquaient en buvant du Get 27 ! » En 2023, l’ambiance est tout aussi conviviale avec les invités, nullement intimidés et prompts à vanter les mérites de leur école et de sa formation. « Même si on a parlé de tout et de rien, ils ont bien insisté sur le privilège que représente une place sur leur bateau. La discipline y est stricte, le prestige est réel et ils sont aussi heureux que fiers de représenter leurs couleurs en venant à Rouen. »

Lorsque Aurélie mentionne dans la conversation avec les marins qu’elle est professeur de musique, ses hôtes insistent pour l’entendre pianoter. Elle accepte et leur interprète une de ses compositions.  « Ils ont tout filmé. Un des marins portugais y a vu une ressemblance avec Satie. David nous a expliqué aussi que la culture était très importante pour lui. Il joue de la guitare et de la trompette. Il l’a d’ailleurs démontré lors de la parade. Après notre repas, il nous a même déclamé de la poésie ! ». Ce moment artistique a aussi concerné le neuvième art, comme tient à le préciser Apolline du haut de ses neuf ans, et casquette du Vera Cruz bien vissée sur sa tête. « Parce que notre chien s’appelle Milou, on a parlé de Tintin aussi ! Les Mexicains ne connaissaient pas, mais les Portugais oui, même s’ils préfèrent Astérix ! » Pour l’heure, c’est le temps des adieux, car en passant, un collègue de Gustavo lui a dit de se dépêcher. Les remerciements mutuels sont chaleureux, pour le repas partagé, les cadeaux des marins, « des pièces de monnaie frappées du dernier empereur mexicain et du vin portugais » mais surtout pour la rencontre et les échanges dans leur globalité. Qui sait, peut-être Apolline réitérera l’expérience dans quelques années ?