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Il est le seul bateau de l’Armada à être descendu des terres. Venu de Conflans-Sainte-Honorine, les mâts repliés sur le pont, il prendra ensuite la direction de la mer à l’occasion de la Grande Parade : un jour très attendu pour ce bateau qui sort d’une cure de jouvence et à l’histoire si singulière.

Au pied du pont Guillaume-le-Conquérant, un vent d’aventure souffle sur la rive gauche. Une fois franchie la passerelle d’accès à La Licorne, nous voilà plongés dans l’intimité du carré aux banquettes grisailles usées par le temps. Michel Ravoisier nous accueille, tee-shirt noir estampillé du logo de La Licorne et pantalon treillis. Le capitaine du navire est aussi officier de marine et instructeur, autant dire qu’il en connaît un rayon sur tout ce qui touche à la navigation. Les présentations sont brèves pour entrer directement dans le vif du sujet : la passion pour la mer, dénominateur commun sur tous ces voiliers de l’Armada.

La Licorne est l’un des plus vieux bateaux présents sur la manifestation. Lancé au Danemark en 1907 comme navire de fret sur la Baltique, ce trois-mâts goélette a cette particularité d’avoir une coque en fer riveté, à l’instar du Titanic. Mais l’avenir sera pour lui plus clément. Passé sous pavillon français en 1992, il est désormais un patrimoine historique, labellisé depuis 2013 par l’association Patrimoine Maritime et Fluvial (https://www.patrimoine-maritime-fluvial.org/).« La France est le deuxième pays maritime au monde après les États-Unis, et nous ne savons rien de cette histoire », constate Michel Ravoisier qui a consacré sa vie à faire connaître la Marine, notamment auprès des jeunes en leur faisant découvrir un métier en particulier : celui de plongeur-démineur. Un travail dur et exigeant et qui faute de candidats, manquait de forces vives : il a fallu étendre le recrutement en l’ouvrant vers la société civile en 2003. C’est à cette occasion que Michel Ravoisier lance une formation, la seule à préparer au recrutement externe et crée l’association pour les Formations maritimes et Subaquatiques (AFMS), en partenariat avec l’Éducation nationale et la Marine nationale.

Restait à trouver un bateau : ce sera Le Frya racheté à Paimpol au prix de la ferraille et rebaptisé La Licorne par son épouse tintinophile. Rattachée au port de Saint-Valery-en-Caux entre 2012 et 2016, La Licorne, trop longtemps malmenée, rejoint finalement un chantier naval à Conflans-Sainte-Honorine pour suivre un traitement de choc de près de sept années. L’Armada 2023 est donc bien la première étape de son grand retour vers l’océan. Direction Cherbourg après la Grande parade puis Toulon, à Saint-Mandrier où se trouve l’école de plongée de la Marine nationale.

Conçu pour accueillir à son bord une vingtaine de personnes dont 12 élèves et 6 instructeurs, le voilier « est un bel outil pour raconter l’histoire la Marine française et faire naître des vocations. Ici on est en contact avec la vie, les éléments, les choses concrètes. Il faut savoir tout faire, de la cuisine au maniement des voiles. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes s’ennuient, notre rôle est de leur montrer simplement qu’ils ont du potentiel », résume l’officier de marine capitaine avec cette sorte de générosité profonde propre à ceux qui ont le verbe concis.

Déjà 200 jeunes ont été formés, avec une moyenne d’âge de 21 ans. Pour eux, le travail ne manquera pas ! Ils pourront assurer des missions de protection ou de gestion des héritages des guerres du passé qui ont grêlé le littoral de milliers d’épaves et de tonnes de bombes désormais croupies dans le silence des fonds marins : « Nous avons au moins 130 ans de travail devant nous, ne serait-ce que pour déminer les côtes françaises ! »

Visites personnalisées de 10h à 12h et de 14h à 17h.