Aller directement au contenu

L’activité textile s’est installée dès le XVIe siècle à Elbeuf-sur-Seine, à l’époque où la Seine constitue le principal axe de circulation économique. Dès lors, elle façonnera l’histoire de la ville pendant cinq siècles. Dans le quartier Blin, la Fabrique des Savoirs raconte aujourd’hui cette formidable épopée.

Le pôle muséal a ouvert en 2010 dans les anciens ateliers réaménagés de la manufacture Blin & Blin, l’une des plus imposantes et les plus abouties de l’époque de la grande production. Après la guerre de 1870, beaucoup d’Alsaciens, originaires plus spécifiquement de Bischwiller dans le Bas-Rhin, fuient en effet leur région tombée aux mains des Allemands et émigrent avec leurs ouvriers vers des centres textiles pour perpétuer leurs savoir-faire. Entre Paris et le port de Rouen, Elbeuf est alors réputée pour la fabrication de ses draps de laine cardée depuis que Colbert, ministre de Louis XIV, y a établi une manufacture royale en 1667. Avec l’arrivée de la machine à vapeur et les débuts de la mécanisation, l’activité a pris de l’ampleur. La confection du drap de laine exige près d’une trentaine d’étapes de production, de la fabrication aux apprêts et nécessite une main d’œuvre abondante, qui atteindra les 20 000 ouvriers à son apogée avant la guerre de 1870. Après la journée de travail, c’est la cohue dans les rues aux abords des usines qui se sont multipliées en ville. Outre les Blin & Blin, les Fraenckel et Herzog comptent aussi parmi les grandes familles de drapiers alsaciens dont une figure – Émile Herzog, né à Elbeuf – laissera son nom dans l’histoire de la littérature sous le pseudonyme d’André Maurois. Plus largement, c’est toute une communauté alsacienne qui s’implante dans la ville normande et impulse un renouveau de l’activité en cette fin du XIXe, marquant profondément l’histoire de la commune. Cependant, aussi modernes que soient ces usines, elles ne seront pas épargnées par la crise qui frappe bientôt le textile, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. La concurrence des fibres synthétiques et d’une main d’œuvre à bas coût sonne bientôt pour Elbeuf la fin d’une activité séculaire. Les établissements Prud’homme y seront la dernière usine textile à fermer ses portes en 1992. Mais la mémoire perdure à travers le patrimoine. Si certains quartiers comme le typique quartier ouvrier du Puchot ont disparu au profit de grands ensembles dans les années 60, tout un travail de réhabilitation et de restructuration des anciennes manufactures a permis à la ville de conserver son identité. Dans le même temps, plusieurs machines ont été récupérées et sont désormais exposées aux côtés des collections de sciences naturelles et d’archéologie dans le musée de la Fabrique des Savoirs. Sous la lumière naturelle des sheds (toîtures en dents de scie), dans une ambiance industrielle, la galerie des machines raconte ainsi la longue aventure de cette ville drapière, aujourd’hui Elbeuf-sur-Seine, labellisée « Ville d’art et d’histoire ».

https://lafabriquedessavoirs.fr/fr