L’eau descend comme chacun sait d’un point haut vers un point bas, mais pas toujours par le plus court chemin. Il en est ainsi de la Seine, sans doute le seul fleuve de France à se compliquer autant la vie !
Indissociables de la basse vallée de la Seine, ils ont contribué à forger son caractère : mais d’où viennent ces étranges méandres formés par le fleuve ? Pour le comprendre, il faut remonter le temps : trois millions d’années en arrière… La Seine – qui ne s’appelle pas encore la Seine – a profité d’une faille géologique pour se frayer un chemin jusqu’à la mer. Nous sommes à la fin de l’ère tertiaire, à l’époque du Pliocène et le décor de cette vaste vallée au climat subtropical et tapissée de palmiers n’a alors pas grand-chose à voir avec celui que nous connaissons. Il y a environ 100 000 ans, un brusque refroidissement fait alors descendre la température moyenne à -5°C, qui ouvre un nouveau cycle alternant périodes glaciaires et interglaciaires. Ces bouleversements climatiques transforment radicalement la physionomie de la vallée qui prend cette fois des allures de toundra peuplée d’ours et de mammouths, là où vivaient naguère des éléphants, lions et rhinocéros.
Sur les 300 derniers kilomètres qui séparent le fleuve de la mer, la faible pente a entraîné la formation d’un embryon de méandres qu’il ne reste plus qu’à sculpter. Au rythme des glaciations et alors que le fleuve est prisonnier des glaces dix mois de l’année, la débâcle estivale libère des quantités d’eau considérables qui emportent sur leur passage sable, graviers, roches et silex et accélèrent les phénomènes d’érosion. À l’endroit où le courant est le plus puissant, des falaises creusées et des éboulis forment une paroi concave tandis que sur l’autre rive les dépôts d’alluvions façonnent une plaine convexe. À l’échelle des temps géologiques, la Seine bouge, divague, indécise et en perpétuelle recomposition. Les reliefs constitués dans le lit du fleuve par les sédiments font naître des courants qui à leur tour redessinent inlassablement la courbure des méandres. Certains même disparaissent, quand l’eau à force de creuser referme la boucle, laissant un méandre fossile qu’on devine encore à la légère déclivité qu’il imprime au terrain. De cette eau en mouvement sont nées toute la richesse et la diversité d’une vallée qui fait aujourd’hui les délices des amateurs de beaux paysages.