C’est un fait avéré : une brique coule dans l’eau. Mais un brick ne le devrait pas ! C’est pourtant bel et bien le sort qu’a connu le Télémaque par une nuit froide et obscure.
Pour comprendre le jeu de mots ouvrant cet article, encore faut-il savoir qu’un brick est un voilier à deux mâts : un grand incliné vers l’arrière sur lequel on envergue une voile carrée, et le mât de misaine, plus petit, à l’avant. Rapide et maniable, ce navire de prédilection des pirates et corsaires était notamment utilisé pour le commerce et l’exploration ainsi que par les marines de guerre.
Le Quintadoine était un brick plus connu sous son ancien nom, le Télémaque. Ce petit bâtiment vécut une triste fin, propice à de nombreuses rumeurs infondées. Diverses versions naviguent toujours autour de cet événement historique. Toutes s’accordent à dire que les cales étaient fort remplies et que les tonneaux contenaient bien autre chose que ce que l’on voulait faire croire au peuple. Il aurait transporté les trésors des abbayes de Jumièges et/ou de Boscherville, les joyaux de la Couronne ou même le tout.
Dans la nuit du 31 décembre 1789, ce bateau, a priori chargé de barils d’huile et de poutres, quitta le port de Rouen pour se diriger vers la mer. Quelques jours plus tard, le 3 janvier 1790, il coula en rade de Quillebeuf, endroit réputé comme le plus dangereux de toute la Seine. Les meilleurs vœux échangés par les marins pour se souhaiter une belle et heureuse année n’avaient-ils pas été entendus ? En partie peut-être, puisque l’équipage fut sauvé.
Mais bien vite, une légende naquit. Louis XVI et les nobles candidats à l’émigration, dont on se méfiait grandement en cette période, furent soupçonnés d’avoir chargé le voilier de trésors pour les soustraire aux Révolutionnaires. Cette croyance fut renforcée par le fait que l’année suivante, pas moins de trois cents hommes furent dépêchés pour renflouer le navire. Les spéculations allant bon train, il est dit que le commanditaire aurait été le roi en personne.
La légende se propagea au fil du temps et de multiples tentatives de renflouement de l’épave se succédèrent en 1816, 1837, 1842… En 1939, la Société française d’entreprises maritimes obtint le droit d’effectuer de nouvelles recherches. Quelques objets de valeur furent mis au jour (pièces d’or et d’argent, chandeliers, etc.), mais les ingénieurs constatèrent que le théâtre de l’opération ne cadrait pas avec le fameux Télémaque. L’épave découverte était tout simplement trop petite.
Où se cache donc ce prétendu trésor ? Existe-t-il réellement ? Si vous apercevez une lueur brillant de mille feux dans la Seine au niveau de Quillebeuf, s’agit-il d’une possible piste ou d’un simple reflet du soleil narguant le chercheur d’or ? Au milieu des années 1980, une étude scientifique a tenté de résoudre cette énigme. Deux hypothèses ont émergé. Si la carcasse du Télémaque existe encore, elle pourrait se trouver sous l’actuel terrain de football de la commune puisque le lit de la Seine a été profondément modifié. Ou bien, ce sont les habitants de l’époque, réputés pour être d’excellents marins, qui auraient récupéré le trésor royal immédiatement après le naufrage. Le mystère demeure…