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Si la Seine était restée dans son état naturel, la plupart des bateaux de l’Armada pourraient sans doute remonter jusqu’à Rouen. Mais aucun navire moderne en revanche ne pourrait plus entrer dans les ports sans un dragage régulier des chenaux d’accès qui permet de maintenir le niveau du trafic.

Les ports ont toujours lutté contre l’ensablement et l’envasement. Ce phénomène naturel est lié au déplacement des sédiments – produits de l’érosion – en suspension dans l’eau, et leur dépôt sur le lit du fleuve, dans des zones en général plus calmes à l’écart des courants. De nombreux paramètres peuvent entrer en ligne de compte comme la vitesse du débit, l’étiage ou encore la marée et paradoxalement, autant les faibles débits l’été que les crues d’hiver favorisent l’accumulation de ces matériaux.

Sans un entretien régulier, les chenaux d’accès aux Grands Ports Maritimes de Rouen et du Havre, creusés à partir des années 1850, finiraient donc par se combler, faisant obstacle au passage des bateaux qui pour se déplacer et selon leur taille ont besoin d’un minimum de profondeur, ce qu’on appelle le tirant d’eau. Cette opération d’entretien a un nom : le dragage. Il consiste à retirer chaque année les sédiments en surplus apportés par la marée, concentrés pour l’essentiel en aval du pont de Tancarville, et plus particulièrement à l’embouchure : entre 2 et 3 millions de m3 pour le port du Havre en moyenne, plus de 4 millions de m3 pour le port de Rouen.

« Le Grand Port Maritime de Rouen possède ainsi deux dragues qui tournent en permanence sur les 120 km du chenal », explique Ludovic Grabner, directeur du Chenal et des Travaux Maritimes à Haropa Port. Ces bateaux imposants fonctionnent comme de gros aspirateurs qui absorbent les dépôts de vase (en aval) ou de sable (en amont) pour aller les rejeter – ou « claper » – un peu plus loin en baie de Seine, sur des sites d’immersion dédiés (aujourd’hui la zone du Machu au large de Deauville depuis la fermeture de celle du Kannik en 2017). Plus exploitables, les sables seront en revanche pour partie réutilisés, et donc stockés en vue de ces usages, notamment dans le secteur du BTP.

Parties prenantes du processus, d’autres intervenants sont également mobilisés comme les vedettes de sondage qui actualisent les cartes permettant de connaître l’état des fonds en temps réel, ou les bateaux niveleurs chargés de finaliser l’opération. Aujourd’hui, les dragages visent surtout l’entretien des chenaux mais certaines campagnes dites « d’approfondissement » – dont la dernière en date a eu lieu en 2012-2019 – ont été menées par le passé dans le but d’accroître encore le tirant d’eau. « Avec 11,30 m à la descente et 11,70 m à la montée, on atteint aujourd’hui un peu les limites », constate Ludovic Grabner qui évoque plutôt pour les années à venir l’idée d’un « chenal intelligent » qui consisterait à « mieux gérer les données et optimiser les effets de la marée pour fluidifier la navigation ».