Pourtant, Le Trait s’appelait déjà Le Trait avant que la ville ne s’étire en longueur. Son nom viendrait en réalité du latin « trajectum » qui signifie « passage » en référence à une ancienne voie romaine courant le long de la Seine. Car la raison est surtout géographique : coincée entre le fleuve et la forêt, Le Trait ne pouvait se développer autrement. En 1916, en pleine guerre mondiale, le petit village de 300 âmes qui vit alors surtout de la culture, de la pêche et de l’exploitation du bois, est choisi par le gouvernement français pour implanter un chantier naval le long de la Seine. Axe majeur de ravitaillement en amont du port de Rouen, le fleuve est suffisamment large à cet endroit pour permettre en effet le lancement de navires de grandes longueurs. Une main d’œuvre venue de toute l’Europe s’installe et la population explose. Avant la Seconde Guerre mondiale, on compte déjà près de 3 000 habitants et autour de 6 000 à l’aube des années 70, avec pas moins de 17 nationalités recensées. Pour loger ces nouveaux venus, c’est une ville entière qui sort de terre, sur le concept des cités jardins importé d’Angleterre. Les architectes y privilégient le confort et l’hygiène et les maisons construites dans le style néo-normand ont toutes leur jardinet. De plus, leur emplacement sur le coteau est calqué sur la hiérarchie dans l’entreprise : depuis les maisons mitoyennes ouvrières en bordure de Seine jusqu’aux villas des directeurs en lisière de forêt.
Par ailleurs, 200 navires civils et militaires sortiront de ces chantiers navals, dont une vingtaine de sous-marins – parmi lesquels l’un des plus emblématiques Le Morse – et même un cargo baptisé… Le Trait ! La fermeture du site en 1972 marque un tournant pour la commune mais très vite l’emprise est à nouveau occupée par le spécialiste du flexible Flexi France. Aujourd’hui, Le Trait vit toujours au rythme de sa longue avenue, point de convergence entre la ville et la zone économique. Le Trait compte aujourd’hui autant d’habitants (4 900) que d’employés qui y travaillent, pour beaucoup venus de l’extérieur. A défaut de centre-ville, la route départementale s’anime ainsi chaque jour de la semaine au gré d’un va et vient incessant de passants et des quelque 10 000 véhicules qui traversent la commune au quotidien. En attendant qu’un autre « trait » tracé plus haut prenne de l’importance : la voie verte reliant Duclair à Saint-Wandrille-Rançon, sur le trajet de la Seine à vélo.