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Au cœur de la vallée de la Seine, sur la rive gauche, la tourbière d’Heurteauville, parfois appelée tourbière de la Harelle, est le plus grand des 29 Espaces Naturels Sensibles (ENS) préservés et valorisés par le Département.

Propriétaire de la tourbière d’Heurteauville depuis 2005, la collectivité valorise les richesses de ce cadre exceptionnel qui s’étend sur 196 hectares, dont 50 hectares d’étangs de 5 à 6 mètres de profondeur. Grâce à ses investissements, de nombreux aménagements ont été réalisés à compter de juin 2020, d’autres sont actuellement en cours pour compléter le projet de développement écotouristique. Ce réservoir de biodiversité est ainsi ouvert aux visiteurs depuis juillet 2021 et des animations de sensibilisation à l’environnement y sont ponctuellement organisées. Ce milieu est habité par plus de 1500 espèces, dont certaines strictement protégées. Purification de l’air et de l’eau, stockage du carbone, régulation des crues, soutien des étiages, la tourbière joue par ailleurs un rôle environnemental majeur.

Bien avant qu’il ne devienne un lieu de découverte de la faune et de la flore, ce site a été pendant longtemps marqué par l’activité humaine. En 6 000 avant J.-C., l’homme y laissait déjà son empreinte. À l’époque gallo-romaine, l’espace fut d’abord utilisé à des fins agricoles et de pâturage, puis exploité pour ses roseaux. L’extraction de la tourbe, pour un usage de combustible puis d’amendement, débuta en 1758. Cette matière organique fossile est formée par accumulation sur de longues périodes de matière organique morte dans un milieu saturé en eau. Elle est le produit de la fossilisation de débris végétaux par des micro-organismes (bactéries, arthropodes, champignons, microfaune) dans des milieux humides et pauvres en oxygène sur un intervalle de temps variant de 1 000 à 7 000 ans.

Lorsque l’exploitation démarra à Heurteauville, l’objectif premier était de diminuer la consommation de bois et de charbon dont le manque se faisait alors sentir autour de Rouen. La tourbe constitue toutefois un combustible moins calorifère. La compagnie Testard fut le première à l’exploiter. Extraite des profondeurs de l’étang, la tourbe séchait sur place. Chevaux, charrettes et brouettes assuraient ensuite son déplacement. Très vite, un canal fut creusé pour rejoindre la Seine. La précieuse marchandise était ainsi transportée par embarcations plates sur le bras créé. Elle devait ensuite être déchargée et mise en tas avant de remonter en vrac sur un bateau naviguant sur le fleuve. Le cap était principalement mis sur la ville de Rouen, pas pour le chauffage des particuliers mais essentiellement pour l’alimentation des fourneaux des manufactures.

A partir de 1784, les habitants ont également pu exploiter la tourbière eux-mêmes. L’extraction resta artisanale jusqu’en 1987 puis différentes sociétés ont investi le marais de manière industrielle jusqu’en 2007. La tourbe n’était alors plus utilisée sous forme de briquettes séchées pour le chauffage mais servait comme engrais dans les jardins. On lui prêtait pour vertus de transformer des sols lourds en sols plus légers et d’enrichir la terre. Elle fut néanmoins peu à peu évitée en raison d’une prise de conscience écologique. Il s’agit d’une matière naturelle non renouvelable et il faut environ un siècle pour obtenir dans un marais une couche de 5 cm de tourbe !

Si vous souhaitez devenir incollable sur le sujet et approfondir vos connaissances, rien de telle qu’une visite sur le terrain. Trois sentiers thématiques agrémentés de stations pédagogiques expliquent l’histoire et les spécificités de ce milieu. Le chemin principal « La tourbière et ses secrets » ­est accessible aux personnes à mobilité réduite. Pendant une balade d’1,3 km aller/retour, vous découvrirez de nombreux panneaux retraçant la formation de la tourbe et l’activité qui s’est organisée autour d’elle. Des schémas et diverse photos historiques récupérées auprès de la commune, d’habitants et d’anciens exploitants du site agrémentent les textes pour s’immerger pleinement dans le passé.