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La ville aux cent clochers, Jeanne d’Arc, sa cathédrale peinte par Monet, telles sont des images non pas d’Épinal mais de Rouen. Et pourtant, une spécialité patrimoniale assez méconnue a toute sa place sur le podium : la faïence, et ses œuvres à la beauté imperméable au temps passant.

« C’est l’une des plus belles productions françaises et même européennes. Son âge d’or se situe entre la fin du XVIIe et le milieu du XVIIIe siècle. Elle a été très importante historiquement, que cela soit en qualité ou en quantité ». Marie-Lise Lahaye, conservatrice des arts décoratifs en charge du musée de la Céramique, ne tarit pas d’anecdotes, de noms et de dates à propos de la faïence de Rouen. Il faut dire que le sujet remonte loin et la passionne à raison. S’il faut dater un acte de naissance, c’est en 1644 qu’il se situe. Anne d’Autriche, la reine régente, accorde à Nicolas Poirel un privilège exclusif : celui de produire de la faïence pendant 50 ans en la province de Normandie et à Rouen, plus exactement. Il faut dire que la ville constitue un emplacement idéal. Autour d’elle le territoire est riche en argile et la Seine est un atout majeur. Elle permet d’importer toutes les matières premières nécessaires. Le bois, par exemple, qui sert aux fours, provient des forêts alentours. Le commerce des œuvres est aussi facilité par le trafic fluvial. Mais avant de garnir les cales des bateaux, les pièces sont élaborées dans le quartier Saint-Sever, sur la rive gauche de Rouen. Là où se trouvent toutes les faïenceries.

Ces dernières réalisent des pièces d’une grande diversité. Souvent, leurs couleurs révèlent du camaïeu bleu, inspiré des faïences de Delft (Pays-Bas). « On y ressent aussi l’influence des céramiques chinoises, à fond blanc, qui ont séduit les européens au cours des siècles précédents. Plus tard, les céramistes chinois boucleront la boucle en s’inspirant de la faïence de Rouen ! » Le musée de la Céramique rend hommage à la diversité française, locale et internationale des pièces en exposant des carreaux du XVIe siècle de Masséot Abaquesne, figure incontournable du genre, « mais aussi des décors polychromes, des chinoiseries de l’époque rocaille. Il y a également des céramiques monumentales. En particulier les chefs d’œuvre que sont les deux sphères conservées au musée, une céleste et une terrestre, complétés par un buste des quatre saisons ». La riche clientèle normande est friande des productions, tout comme le reste de la France. Au nord du pays, particulièrement, les pièces rouennaises embellissent les salons cossus. « Mais elles ont aussi irrigué d’autres régions, même celles qui étaient réputées pour d’autres céramiques : Limoges ou Nevers par exemple ». Ces œuvres complètent la collection locale du musée, forte de 5 000 éléments et dont le site internet peut être consulté en cliquant sur ce lien.